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Masculinisme : Adolescence, la série phénomène à voir avec son ado !

Crédit photo : Netflix.

Vous n’avez pas pu passer à côté d’Adolescence, la mini-série dramatique en 4 épisodes diffusée sur Netflix. Elle raconte l’histoire d’un jeune adolescent de 13 ans, Jamie, accusé du meurtre de Katie, une camarade de son collège. A travers quatre épisodes filmés plan séquence, les adultes tentent de comprendre les raisons qui ont pu le pousser à commettre ce geste. Inspirée de la vague de meurtres et d’attaques au couteau de jeunes filles en Angleterre depuis ces 10 dernières années, elle aborde l’influence du mouvement masculiniste, des dynamiques de harcèlement scolaire et des stéréotypes de genre dans un phénomène qui laisse les autorités et les parents désemparés.

D’ailleurs, c’est quoi le masculinisme ?

Le masculinisme est une idéologie réactionnaire et sexiste qui postule que l’égalité des sexes serait déjà acquise et que le féminisme irait trop loin. Les femmes auraient trop de pouvoir ce qui provoquerait une crise de la masculinité. Face à cette crise, les hommes devraient donc reconquérir leurs droits et leur pouvoir. 

Et c’est là que les influenceurs masculinistes interviennent avec des programmes coûteux à destination de leur public – de jeunes ados – qui délivrent des conseils de musculation, de séduction, de business. De l’extrême droite viriliste qui prône un retour à la virilité traditionnelle aux coachs en séduction, tous profitent du manque de modération sur les réseaux sociaux pour faire proliférer leurs discours et lancer des vagues de cyberharcèlement contre des femmes en ligne. 

Pourquoi le masculinisme séduit autant ?

La série aborde l’omniprésence des discours masculinistes au sein du collège. Une règle étrange est évoquée à plusieurs reprises : la règle des “80-20” ou hypergamie féminine. Il s’agirait d’une règle génétique (et donc incontestable !) selon laquelle 80% des femmes seraient attirées par 20% des hommes. La majorité des hommes doivent donc lutter pour l’amour des femmes en développant leur pouvoir de séduction, leur apparence physique, en travaillant et en gagnant de l’argent (beaucoup d’argent !). 

Comme on le voit dans la série, l’adolescence est une période difficile durant laquelle les jeunes doivent faire face à de multiples bouleversements corporels, psychiques. Comme l’explique la sociologue Isabelle Clair, c’est aussi à l’adolescence que l’injonction à être en couple devient centrale dans leur vie, et leur popularité en dépend ! Si un garçon n’est pas en couple, il est soupçonné d’être homosexuel ou faible, tandis qu’une fille qui souhaite avoir une vie sexuelle en dehors du couple est victime du “stigmate de la pute”. Ainsi, pour ceux qui sont laissés sur le carreau, peu confiants en leur capacité de séduction, qui ne savent pas comment s’y prendre ou que ça n’intéresse pas, le mal-être et la tentation de se replier sur soi est très forte. 

Une guerre des sexes au collège

C’est là qu’interviennent les discours masculinistes en transformant la frustration ressentie par certains garçons qui n’ont pas l’impression de plaire, en haine viscérale des femmes. Ils rassurent les jeunes garçons : s’ils ne séduisent pas les filles, c’est simplement car ils sont trop gentils ! Les filles, malgré ce qu’elles disent, n’aimeraient pas les garçons qui les respectent… Ils plongent ces jeunes garçons dans un cercle vicieux avec tout un tas de faux conseils pour s’affirmer face aux femmes, responsables de leur mal être. Ces conseils véhiculent une vision des femmes réduites à des êtres pervers et calculateurs, et invitent à répliquer en faisant montre d’une violence verbale, psychologique voire physique face aux femmes qui les dénigreraient.

Ces discours masculinistes viennent donc renforcer des stéréotypes sexistes sur les femmes et les hommes, légitiment les violences sexistes et sexuelles et creusent l’écart émotionnel entre les filles et les garçons. En effet, on constate que Katie est victime de violences sexistes et sexuelles alors qu’un garçon à qui elle a fait confiance partage des photos dénudées d’elle aux autres garçons, dont Jamie. Elle est alors victime de slut shaming*. On comprend alors qu’elle se venge en lançant à son tour une vague de harcèlement sur Jamie en le traitant d’incel**.

Les adultes laissés dans l’incompréhension

La série interroge ainsi les dynamiques de harcèlement scolaire, l’effet amplificateur des rhétoriques masculinistes qui laissent les adultes dans l’incompréhension. Elle développe également les rapports entre père et adolescent qui cristallisent beaucoup d’enjeux. Les jeunes garçons semblent en proie à un fort mal-être : ils ont l’impression de ne pas être à la hauteur, de ne pas rendre fier leur père et souffrent d’un manque de communication et de présence paternelle. Elle développe des portraits de pères nuancés et touchants qui tentent non sans peine de ne pas reproduire l’éducation à la virilité qu’ils ont reçue. Pris par leurs contraintes professionnelles et leur difficulté à exprimer leurs sentiments, ils ressentent une forte culpabilité.

Le dernier épisode explore justement les conséquences de l’acte du jeune garçon sur sa famille, victime de dénigrements, de voyeurisme et de commérages. Elle analyse la manière dont la société se rassure souvent face à la violence et les “monstres” qu’elle crée en les mettant à distance. A l’inverse, la popularité de la série renvoie à un besoin largement partagé de comprendre les mécanismes des violences sexistes et sexuelles chez les adolescents et d’y apporter des réponses. En effet, on distingue un écart fort chez les jeunes générations : selon le dernier rapport du HCE, les jeunes filles seraient de plus en plus féministes, et les jeunes garçons de plus en plus masculinistes. Le gouvernement britannique a donc décidé de diffuser gratuitement la série dans tous les lycées du pays. 

En bref, une série émouvante, pas moralisatrice à voir avec son ado !

Slut shaming* : fait de critiquer, stigmatiser, culpabiliser ou encore déconsidérer toute femme dont l’attitude, le comportement ou l’aspect physique sont jugés provocants, trop sexuels ou immoraux.

Incel** : terme désignant les célibataires involontaires, qui n’arrivent pas à séduire et développent une haine des femmes.

Sources : 

Rapport du HCE, Etat des lieux du sexisme en France, 2024.

Isabelle Clair, Les choses sérieuses : enquête sur les amours adolescentes, 2023.